Le numérique au service de l’éducation

La révolution numérique va entraîner de profonds changements dans la façon d’apprendre des êtres humains. Entre les écoles qui proposent des formations entièrement en ligne, les achats de matériels onéreux à l’intérêt discutable comme les tableaux blancs interactifs et le rejet total des nouvelles technologies, il existe une voie qui saura tirer profit des avantages du numérique sans tomber dans ses travers. Voyons les enjeux autour de ce vaste sujet.

Un outil extrêmement puissant

Il est indéniable que le numérique peut apporter énormément en tant qu’outil pédagogique. Il apporte tout d’abord la possibilité d’accéder à une manne gigantesque de contenus, amateurs ou professionnels, sur des sujets extrêmement variés. Aujourd’hui, il est possible d’apprendre à changer le filtre d’une K3/K4, de trouver les plans de la bataille de Leipzig ou d’apprendre à écrire un bouquin comme Marc Lévy très facilement. Cela nous parait évident aujourd’hui, mais ne l’était absolument pas il y a quelques années, avant l’ère du virtuel et du participatif.

On trouve même des tutoriels pour écrire comme Marc Lévy

Le deuxième aspect qui me parait essentiel est l’apport de l’animation et de l’interactif dans l’appropriation de connaissances : ‘J’entends et j’oublie. Je vois et je me souviens. Je fais et je comprends’, Confucius. En effet, être acteur dans son apprentissage permet de mieux comprendre et surtout de mieux se rappeler. Les entreprises l’ont bien compris et le Serious Gaming est de plus en plus utilisé pour la formation continue. L’outil Gap Minder, est un autre exemple d’outil pédagogique intéressant qui utilise deux leviers puissants :

  • L’animation pour faire comprendre les évolutions démographiques
  • L’interactivité qui pousse l’utilisateur à explorer les données par eux-mêmes

Vidéo de Hans Rosling utilisant Gap Minder pour présenter les changements démographiques des deux derniers siècles

Le chercheur Sugata Mitra a justement travaillé sur l’apport de l’informatique en tant qu’outil pédagogique en confiant un ordinateur à des enfants d’un bidonville en Inde. L’aspect le plus étonnant de ces travaux est apparu quand il a voulu prouver les limites de l’auto-apprentissage. Pour cela, il a laissé l’ordinateur pendant 60 jours aux enfants et leur a demandé de se renseigner sur les biotechnologies. A la fin de cette période, son échange avec les enfants semble incroyable :

- Alors, est-ce que vous avez compris quelque chose ?
- Non, rien…
- Combien de temps avez-vous pratiqué avant de décider que vous n’y compreniez rien ?
- Oh, nous avons pratiqué tous les jours !
- Comment, pendant deux mois, vous avez regardé quelque chose que vous ne compreniez pas ?

À ce point une fillette de 12 ans lève la main, et dit, littéralement :

Mis à part le fait que la réplication inexacte des molécules d’ADN est la cause des maladies génétiques, nous n’avons rien compris d’autre.

(Source Owni)

Un impact à évaluer au niveau sociologique

Malheureusement, l’apparition de ce nouvel outil va poser de nombreux problèmes. Le premier étant lié à la fracture numérique, puisqu’une large partie de la population mondiale n’aura pas accès à ce puissant levier et que l’écart de connaissances risque de s’agrandir encore. OLPC (One Laptop Per Child) travaille sur ce problème avec plus ou moins de succès et les solutions risquent d’être trop tardives.

Le deuxième piège à éviter est la ruée dans le tout numérique en oubliant le rôle clef du professeur qui n’est pas juste une base de données vivante et doit notamment adapter l’enseignement aux élèves et les motiver. J’espère que le goût immodéré des gouvernements pour les réductions budgétaires ne rentrera pas trop en ligne de compte…

Des nombreux défis technologiques à résoudre

L’utilisation du numérique à l’école pose également des problèmes technologiques. Pour parler de livres scolaires numériques par exemple, il n’existe aujourd’hui aucun matériel respectant tous les critères nécessaires :

  1. Confort de lecture + interactivité : les écrans e-ink offrent aujourd’hui un meilleur confort de lecture que les écrans LCD. Malheureusement, ces technologies ne permettent pas aujourd’hui d’avoir de la couleur, des animations et des interactions poussées comme on peut l’avoir sur un iPad. Des sociétés comme Qualcomm avancent rapidement sur ce sujet mais il faudra attendre encore quelques années pour voir des solutions industrielles entièrement satisfaisantes.
  2. L'écran Mirasol de Qualcomm : couleur et taux de rafraichissement correct

  3. Prix et durabilité : un matériel destiné à tous les élèves doit être à la fois très solide et accessible au plus grand nombre. Au niveau du prix, l’Inde semble en avance sur le sujet puisque le gouvernement veut proposer des tablettes pour seulement 35$. Pour ce qui est de la durabilité, les écrans flexibles, plus résistants aux chocs, seront bienvenus. En attendant il vaudra mieux ne pas viser des élèves trop jeunes.
  4. Une tablette de 7 pouces qui devrait coûter 35$ pour les étudiants indiens

  5. Productivité : il faut également résoudre le problème de l’entrée d’informations, essentielle pour des élèves. Un clavier parait difficilement envisageable car il réduirait le confort et la mobilité de l’appareil (des solutions comme le back typing existent mais elles semblent réservées à des marchés de niche). La réponse sera donc plus du côté logiciel que matériel : reconnaissance vocale, reconnaissance d’écriture ou claviers virtuels innovants. J’ai, par exemple, essayé Swype récemment qui m’a vraiment bluffé.

La technologie au service du contenu

Au final, il ne faut pas oublier que la technologie doit servir de nouveaux usages. C’est ce qui s’est passé, il y a quelques années, avec le Web 2.0 quand de nouvelles technologies ont permis de nouveaux usages collaboratifs et participatifs qui ont changé notre façon d’utiliser internet (blogs, commentaires, Facebook etc…). La révolution s’est faite sur l’innovation dans les usages et non sur la technologie.

La clef sera donc de construire des contenus qui tireront parti des avantages du numérique. L’éducation nationale devrait déjà s’atteler à cette tâche, en collaboration avec  les éditeurs de contenu, avec un double objectif : éveiller la curiosité des élèves et les inciter ensuite à aller plus loin que l’enseignement de base. Deux leviers extrêmement puissants qui me semblent trop délaissés aujourd’hui.




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Auteur: Cédric Soubrié

Consultant en Expérience Utilisateur, je me suis spécialisé dans le tactile et la visualisation d'informations. Je donne également des cours pour promouvoir les méthodes de conception centrée utilisateurs. Voir mon profil LinkedIn.